Les décisions absurdes 2 : comment les éviter

La catastrophe de Fukushima aurait elle pu être évitée ?

 « Les décisions absurdes (I) »  avait connu un certain succès, (qui était mérité) . Après avoir étudié de près les mécanismes qui conduisent à prendre des décisions absurdes, Christian Morel nous revient avec ouvrage posant d’intéressantes pistes sur la manière dont les organisations qui ont besoin d’être extrêmement fiables peuvent éviter les erreurs.

1)     Au cœur des débats de société actuels

Cet ouvrage interroge quelques tendances lourdes de notre société : notamment la recherche du risque zéro, la recherche systématique de coupables en cas de catastrophe et même les démarches qualité.

 Le moins que l’on puisse dire est que cet ouvrage est capable de modifier la vision du lecteur sur ces questions en remettant en cause de nombreuses idées reçues.

 Pour Christian Morel, le monde et particulièrement le comportement humain sont indéterminés.

Il existe trois façons de combattre cette indétermination.

 –         L’évitement, en cas de doute, il faut renoncer ou se protéger à 100 %. C’est le principe de précaution.

 –         La rationalité substantielle : La rationalité analytique et déductive doit pouvoir venir à bout de l’indétermination. La réalité est cependant trop complexe pour être modélisée parfaitement surtout si il faut y inclure les facteurs humains. Cette approche est source d’erreurs de calcul et d’appréciation et dans les faits est finalement assez peu efficace.

 –         La rationalité procédurale enfin, qui repose du des règles simples mais rigoureuses qui ne visent une élimination totale du risque mais à l’abaisser à un niveau très faible et admissible.

 Les outils et méthodes mis en place ne peuvent cependant pas être efficaces si ce que l’auteur appelle les métarègles de la fiabilité ne sont pas intégrées.

  2) les métarègles de la fiabilité

 Les métarègles c’est quoi ? Ce sont les principes constitutifs d’une culture de la fiabilité.

 Ne paniquez pas, il s’agit de règles toutes simples (c’est leur diffusion et leur intégration dans une organisation qui peuvent être « plus coton »).

 Les métarègles de l’intelligence collective :

 De nombreuses règles s’appliquent à l’intelligence collective : une formation aux facteurs humains et aux différents biais cognitifs est ainsi nécessaire.

Connaissez-vous par exemple le paradigme de Ash qui explique comment les décisions d’un  groupe finissent par s’auto-radicaliser ? Et le « groupthink » de Irving Janis qui explique comment les désaccords internes peuvent être étouffés au profit de l’harmonie d’un groupe ?

Un chapitre entier est consacré aux dérives des décisions de groupe.

 Les préconisations de l’ouvrage sont : l’interaction généralisée, le débat contradictoire et la méthode de l’avocat du diable, la hiérarchie restreinte mais impliquée, et l’attention portée aux interstices.

 Cela nous donne quelques pages très denses et riches à lire : je n’ai hélas pas la place ici pour vous détailler tous ces aspects (et puis vous allez lire le livre n’est-ce pas ?)

 La politique de non punition des erreurs :

 Si vous étiez menacé de poursuites judiciaires et de sanctions pour faute, hésiteriez-vous à remonter les petits écarts et manquements que vous auriez constatés ou commis ?

Toute l’idée est ici de ne pas bloquer l’échange et la connaissance par crainte de sanctions.

 Dire, connaître et comprendre :

 La manière de communiquer n’est pas anodine : qui a déjà été opéré du « mauvais côté » comprendra tout de suite de quoi je veux parler. L’ouvrage nous donne ici quelques bons conseils de communication, ou d’organisation des retours d’expérience.

  Connaître les dynamiques de la rationalité :

 Il s’agit essentiellement de renoncer à l’idée du contrôle absolu et du risque zéro, mais aussi  d’apporter une attention vigilante aux petits écarts qui peuvent participer à de grosses catastrophes. Il est important aussi d’adopter la vision procédurale décrite plus haut.

Il faut aussi mais c’est plus difficile garder son sang froid face à une catastrophe et s’interroger sur ses probabilités réelles de survenir.

Vous trouverez un intéressant petit tableau page 226 qui détaille les probabilités de mortalité suivant le type d’évènement. Ces probabilités vont de 1 pour 100 si vous pratiquez l’alpinisme himalayen à 1 pour 1 million si vous prenez l’avion.

L’auteur montre en quelques exemples comment les gouvernements finissent par délaisser des risques importants pour se focaliser sur des risques finalement faibles (vous vous souvenez du vaccin contre la grippe h1n1 ?).

 Où et quand faire des économies (ou ne surtout pas en faire)

 Le livre s’achève ensuite sur un chapitre qui donne quelques clés pour arbitrer entre le cout de la fiabilité et celui de la non fiabilité. Parfois, des économies de bouts de chandelles sont à l’origine de catastrophes terribles, il est donc très intéressant de disposer de quelques lignes directrices pour faire ce genre d’arbitrage budgétaire.

 3) A quoi pourrait bien me servir de lire ce livre si je suis entrepreneur ou manager dans une activité qui n’est pas à hauts risques ?

 A éviter de prendre des décisions absurdes évidemment !

 Les passages sur la tenue de réunion et la recherche de consensus sont utiles pour tout groupe humain, et ceux sur les biais cognitifs concernent aussi tout le monde.

 Saviez-vous que 70% des chirurgiens pensent que la fatigue est sans effet sur leur performance, et qu’ils sont aussi 82 % à penser que les problèmes personnels n’interagissent pas avec leur efficacité ?

 Nous sommes tous victimes de ce genre d’aveuglement et il est bien de temps en temps de souffler un peu et de s’interroger sur ce que l’on fait et ce que l’on croit.

 Mon avis : un « must read »

 Autres lectures utiles :

Les biais cognitifs et leurs effets sur l’activité entrepreneuriale ont déjà été traités sur ce blog :

Essayez cet article (rubrique 36 stratagèmes ): Contempler l’incendie depuis la berge d’en face.

Et celui là aussi : La vie secrète des entrepreneurs

 Il y a aussi le premier livre sur les décisions absurdes (après l’avoir lu, vous n’emboutirez plus jamais votre super tanker dans un autre cargo géant, vous n’organiserez plus non plus de sorties nulles dans un endroit où personne n’avait envie d’aller)

 

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Un commentaire sur “Les décisions absurdes 2 : comment les éviter
  1. avatar Lionel PERON dit :

    Je viens de le finir : c’est effectivement un « must read ». Très concret, très documenté, très actuel dans ses exemples, très structuré : on comprend non seulement pourquoi ça ne marche pas, mais comment s’y prendre pour améliorer les choses. Le tout sans les recettes miracles des autres gourous du management.
    Il y a vraiment matière à enrichir le quotidien de n’importe quel entrepreneur.
    Bien vus les commentaires !

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